TAO du pays des sources est un livre de Patrick Prigent.
Préface de Marc Menu.
Format : 10,5 cm x 14,5 cm.
106 pages.
ISBN : 978-2-37517-037-3
Prix 13 euros (+ 2,5 euros de frais de port).
Parution en juillet 2023.
TAO du pays des sources est un poème qui questionne le langage, la pertinence de dire, l'utilité d'écrire, ou pas.
Mon poème doute de la poésie. Jusqu'ici rien de neuf, on appelle ça la poétique. Terme que je redoute sinon fuis.
Chaque page est construite en miroir. D'abord un quatrain en police romaine qui plupart du temps exprime une pensée, puis en italique sous forme de tercet la recension d'une réalité forcément plus prosaïque.
Cependant j'ai voulu ne pas en faire un système, un procédé, une poétique. Il arrive au miroir de s'inverser.
Quand je dis "J'ai voulu" je devrais dire plutôt " j'ai voulu rester honnête, sincère", avouer à la fois ma volonté d'un retrait du logos au profit d'une "présence pure" et ... mon échec.
Pourquoi " .... du pays des sources " ?
Parce que c'est ici que je vis, dans ma Bretagne intérieure aux frontières hydriques et floues. Parce que cet "ici" est la matière où je puise. Il me semble important, dans un ensemble qui prétend opposer ou aligner la psyché au réel, d'indiquer par endroits dont le titre la géographie du propos. La dernière page est sur ce point assez éclairante.
C'est pour tout cela que je vous soumets mon manuscrit qui, vous l'aurez compris, n'est pas une relecture de Lao Tzeu (quoique ...); mais la tentative nerveuse, douloureuse, souvent fébrile, parfois lucide autant que faire se peut de différencier entre ce que je suis, voudrais être et ce que je vis.
Ce recueil refuse sa place. Il dit Non, il dit "Ici et maintenant/je suis toujours/ailleurs/en d'autres temps".
Ce poème, ce manuscrit, est tout entier sa propre contre-culture.
Patrick Prigent.
Entretien entre l'éditeur et l'auteur.
Philémon Le Guyader : pourquoi dites-vous poèmes ?
Patrick Prigent : j'ai toujours dit poème pour un ensemble.
Tant pis. Je dis "Poème" car je ne détache rien de l'ensemble d'une expérience vécue. Je ne suis pas séquencé. J'appartiens à mon continuum. Cela les éditeurs ont du mal à comprendre. Je n'écris pas des poésies. Je suis le poème.
Et le poème est moi. Même celui qui ne sera jamais écrit.
C'est d'une radicalité hyper exigeante.
À laquelle je n'atteindrai peut-être jamais mais c'est ce vers quoi je tends et rien d'autre.
Dans les familles Prigent, si je voulais le poète, j'aurais l'embarras du choix : Christian, Denez, Gaël, Yves ou Patrick ? Aujourd'hui je choisis Patrick avec son ouvrage TAO du pays des sources, publié par Philémon Le Guyader aux éditions RAZ.
Né en 1970, Patrick Prigent vit en Centre-Bretagne. Il a déjà publié Chiens de fusils aux éditions Des Vanneaux et Suite Nord Armoricaine aux éditions La Centaurée ainsi qu'un premier recueil en bilingue français-breton aux éditions RAZ, Ivresse des profondeurs/Mezvidigezh ar strad.
Son premier choc de jeunesse en matière de poésie fut René Char, découvert à l'adolescence. Il en fut paralysé devant tant de talent. Plus tard, Guillevic l'a décomplexé avec des mots qui lui firent sens dans leur forme courte et elliptique et leur description de la Bretagne.
Ce nouvel ouvrage, bien que prenant source en Bretagne, est imprégné de philosophie orientale, dans l'observation des petits détails à moindre mots "Quarante et une gouttes de pluie / Vers le milieu du fil à linge / A la même heure / Hier aussi" et de la nature "Le vent / Se souvient / De sa naissance / Dans les arbres". Et la nature est proche de Patrick Prigent, en son pays de forêts, de landes et de rivières, qu'il arpente en marchant/écrivant, en laissant venir les mots sur un petit carnet. Son écriture en est fortement imprégnée. Sans être pour autant régionaliste, il convoque la pierre, l'eau, les arbres, la pluie, l'ombre et la lumière, le vent, les ciels pour y puiser sa propre poétique.
Justement, le Tao est une voie pour se ressourcer, pour s'interroger sur sa place parmi les éléments de l'univers. Et l'auteur trouve là, par quelques fragments de hasards de vie, l'occasion de rechercher un équilibre dans l'éphémère. Les lieux ne sont pas nommés, peu importe l'ici ou l'ailleurs, "Moins le lieu / Que le retrait de soi / Sous le boutoir de sa présence". En cela, Patrick Prigent rejoint souvent la géopoétique du regretté Kenneth White.
Si l'auteur se méfie du lyrisme, en ne souhaitant pas subir les mots, on sent la filiation avec Guillevic très présente en ces pages. "Peu de mots mais contondants" son incipit dit tout sur la quête de Patrick Prigent en poésie. Aucune injonction, aucune vérité assénée à coups de citations péremptoires, juste des étincelles de réflexion qui ne demandent qu'à devenir flamme vivace dans l'imaginaire de chaque lecteur.
Patrick Prigent explique que chaque page de ce nouveau recueil est construite en miroir. D'abord un quatrain en police romaine qui plupart du temps exprime une pensée, puis en italique sous forme de tercet la recension d'une réalité forcément plus prosaïque. L'intérêt de ces textes courts, comme dans le haïku, est dans le suggéré plutôt que le dit. Prenez plaisir à plonger dans ce miroir et laissez-y s'envoler vos pensées.
Denis Heudré.
Paru en 2023 aux éditions RAZ. Un petit livre (uniquement par sa forme) qui nous accompagne, que l'on a dans la poche et que l'on sort pour y puiser une intensité faite de peu de mots. Peu de mots mais qui résonnent, beaucoup. C'est une force, une roche qui sort de terre, une poésie du saisissement qui, bien au contraire d'un resserrement ou d'un rapetissement, nous ouvre au vaste monde contenu des sources. La poésie de Patrick Prigent nous force à aller au plus court pour aller au plus loin, au plus profond.
Les mots à la margelle
Dont nous cherchons les puits
Creusent
Vers le haut
Sur chaque page, deux formes, semblables et différentes, se partagent l'espace. Deux textes séparés disent à l'unisson. L'un aligné à droite, l'autre aligné à gauche, l'un en italique et l'autre non. Un plus haut, un plus bas, deux langues d'un même torrent nous laisse face à une immensité ténue.
Nous sommes en Bretagne. Ces mots n'ont pas le choix que d'être âpres, courts, et saillants. L'écriture de Patrick Prigent fait corps avec le territoire qu'elle habite. Il y a, bien sûr, les images suscitées ou aperçues qui nous emportent en un paysage et en un pays, mais, il y a autre chose, dans la forme même des textes qui veut parler de la vie, ici, en Bretagne. Qui le fait. Tao du pays des sources façonne une manière d'être, d'être ici, et ancre la poésie dans le réel.
On lit et on se rapproche du silence précieux qui se glisse entre les interlignes, que l'on comble grâce aux mots lus il y a peu. Des mots qui nous laissent à nos propres galeries, trous creusés par cette poésie.
Exopoésie (2024).
Patrick Prigent (photo de Valérie Ghevart).