À la folie mon amour - Maelenn Bernard

À la folie, mon amour

 

Livre de Maelenn Bernard.

 

Format 13 cm x 20 cm - 162 pages

ISBN : 978-2-37517-020-5

 

Prix 13 euros (+ 4€ de frais de port)

 

Parution en 2021.

 

(...) Le quartier s’est construit sur les hauteurs de la ville. Le centre s’étale au creux de la vallée, un peu en contrebas. D’ici, on voit la falaise au loin, celle qui est de l’autre côté de la vallée, de l’autre côté de la ville. Malgré la distance, elle semble immense, une large bande blanche qui s’étale à l’horizon. En haut de celle-ci, des plaines sèches couvertes de cailloux, de cactus et d’épineux. Les mêmes que de ce côté-ci, quand on marche vers le fond du quartier, là où l’électricité n’arrive qu’illégalement et où les constructions ne sont pas en dur.

 

Il est midi, on cuisine. Il n’y a que nous deux, les autres sont descendus à la ville. Tu voulais des hamburguesas, je suis allée chercher au kiosque de quoi en préparer.

 

 

Comme d’habitude, je ne fais pas comme il faut. Pas comme tu aimes. Pas comme tu me l’as expliqué mille fois. Je ne me souviens plus de la recette. Elle n’est pourtant pas si compliquée cette recette, l’œuf, la viande hachée, la chapelure, le sel, le poivre et l’origan. Tout le monde sait faire ça, même un gamin de quatre ans, même le chien saurait faire ça si on le lui demandait. Ce que je dois être stupide pour ne pas l’avoir retenue, cette recette, après tout ce temps. Ou alors c’est que je ne t’écoute pas, que j’ai la tête ailleurs, que j’ai l’esprit trop occupé par les hommes, tous les autres hommes, n’importe quels autres hommes. Ou bien je me suis trop habituée à ce qu’on fasse tout à ma place, comme toutes les petites Européennes qui ont les fesses bien au chaud dans leur tour d’argent, éduquées à ne rien faire et à chercher qui est la plus belle dans les miroirs du palais.

 

Je jette le saladier en plastique vert au sol et je te crie dessus. Ma voix se brise et se perd

dans les aigus, je crie pour couvrir la tienne. Pour ne plus t’entendre.

Tu m’attrapes à la gorge. D’une seule main, tu me soulèves du sol. Pas longtemps, je crois,

je ne sais plus.

Quand tu me relâches, je sors m’asseoir sous le minuscule porche.

Le petit voisin me regarde par les trous du grillage.

Je devrais partir.

 

Pourquoi je reste ? (...)

 


Roman d'un amour destructeur, A la folie, mon amour de Maelenn Bernard est d'autant plus beau et impressionnant qu'il n'est pas le récit strictement documentaire d'une violence physique et psychologique. Il se déploie dans un paysage littéraire hautement poétique, tissant des liens renversants avec une esthétique incandescente. Ce faisant, il éclaire avec une force décuplée le processus qui lie l'être aimé à l'être maltraité. Et tout ce qui rend une telle relation aussi complexe que dévastatrice.

 

Les mots de Maelenn sont ainsi d'une beauté à couper le souffle, sa poésie haletante, son style limpide, à la fois frontal et ciselé. Ils entraînent dans les méandres psychiques d'un attachement toxique, étape par étape. A la manière d'un road trip d'un genre nouveau - puissamment introspectif et contemplatif - qui s'enracine dans la terre Argentine. Ou comment transformer un cauchemar en œuvre d'art.

 

Yan Kouton pour Les Cosaques des Frontières.

 


 

Maelenn Bernard a grandi entre la région nantaise, le Morbihan et le Finistère où elle a fait sa scolarité en langue bretonne. Adolescente, c’est sa rencontre avec la compagnie théâtrale franco-chilienne La Obra qui lui donnera goût aux arts du spectacle et à l’Amérique Latine.

 

Elle a 20 ans lorsqu’elle entame un périple en Amérique du Sud. C’est en Argentine qu’une rencontre va tout changer et peu à peu, silencieusement, insidieusement, faire tomber la nuit.

 

Après trois ans de relation amoureuse toxique à l’autre bout du monde, l’auteure s’évade. Elle se pose et raconte ce voyage vers le vide, les rêves qui s’envolent, l’oubli de soi comme un gouffre. Dérivant dans le chaos de ses souvenirs, elle cherche à comprendre, ouvre les yeux, libère les mots.

  

 

À la folie, mon amour est un fragment de vie. Un récit où la candeur règne et domine malgré tout. Les mots, en français souvent, en espagnol parfois, nous prennent par la main et nous guident vers ce monde où le pardon n’a pas de place, où les excuses sont inutiles, où seule la vengeance de croquer la vie à pleines dents rendra justice.

 

Pas à pas, ce témoignage nous amène sur la voie de la résilience. Empreint d’intimité et de pudeur, il nous fait naviguer entre confidence et poésie sur le chemin de l’amour, de soi.

 

Son témoignage est une invitation à libérer la parole sur un sujet trop souvent tu.

 

 

Note de Néstor Poncehttps://journals.openedition.org/amerika/19197